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Page:Sand - La Coupe, Lupo Liverani, Garnier, Le Contrebandier, La Rêverie à Paris, 1876.djvu/279

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vous rappelle sur la montagne, où vous êtes rafraîchi par la rosée des larmes saintes ; enfin la montagne disparaît et les flambeaux du banquet effacent les cieux étoilés. Mille voix, âpres de joie, d’orgueil ou de colère, reprennent le thème, et les chœurs foudroyants terminent ce vaste poëme, création bizarre et magnifique qui fait passer toute une vie, tout un monde de sensations et de visions sur les touches brûlantes du clavier.

Un soir d’automne, à Genève, un ami de Liszt fumait son cigare dans l’obscurité, tandis que l’artiste répétait ce morceau récemment achevé : l’auditeur, ému par la musique, un peu enivré par la fumée du Canaster, par le murmure du Léman expirant sur ses grèves, se laissa emporter au gré de sa propre fantaisie jusqu’à revêtir les sons de formes humaines, jusqu’à dramatiser dans son cerveau toute une scène de roman. Il en parla le soir à souper et tâcha de raconter la vision qu’il avait eue ; on le mit au défi de formuler la musique en parole et en action. Il se récusa d’abord, parce que la musique instrumen-