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Page:Sand - La Daniella 1.djvu/106

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cru pénétrer votre caractère, vos goûts, vos besoins ou vos passions, ils s’arrangent pour les exploiter. Vous avez l’air de ne pas me croire ? Eh bien, vous verrez ! Je vous attends à la première amourette que vous aurez ici. Fût-ce la nuit, au fond des catacombes, et sous triple cadenas, vous me direz si vous ne trouvez pas ce Tartaglia sur vos talons, et s’il ne s’arrangera pas pour que vous ayez absolument besoin de lui. Au reste, ne vous en chagrinez pas. Si l’obsession de ce genre de démon familier est quelquefois irritante, elle a aussi bien des avantages, et le mieux est de l’accepter franchement. Ils ont les qualités de leur emploi ; ils sont aussi discrets pour garder votre secret qu’ils le sont peu pour vous l’arracher. Ils connaissent toutes gens et toutes choses ; ils ont l’esprit subtil, pénétrant, agréable à l’occasion. Ils vous donnent des conseils infâmes dans l’intérêt de vos passions ; mais ils vous en donnent aussi de fort bons dans l’intérêt de votre sécurité. Ils vous avertissent de tout danger et vous préservent de toute école. On les connaît, on les emploie, on les ménage. À mesure que vous prendrez langue ici, vous apprendrez bien des choses et serez émerveillé de voir à quel point, sur cette terre classique de la caste, le diable rapproche, dans une mystérieuse intimité, les individus placés aux points extrêmes de l’échelle sociale. Souvenez-vous que Rome est le pays de la liberté par excellence. Entendons-nous : la liberté de faire le mal ! Il y a plus de deux mille ans que c’est ainsi.

— Je crois ce que vous me dites en voyant un vagabond comme ce Tartaglia prendre possession de ce palais et de cette famille, comme ferait un homme de confiance. Et pourtant nous sommes chez des Anglais qui devraient avoir en exécration un pareil spécimen des mœurs locales !

— Rien de plus tolérant que les Anglais hors de chez eux, mon cher. Voyager est pour eux une débauche d’ima-