Aller au contenu

Page:Sand - La Daniella 1.djvu/135

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Au-dessus de ce rez-de-chaussée qui, sur l’autre face de la maison, bâtie à mi-côte, est un premier étage, s’étendent des appartements encore plus vastes, habités en été par une famille suisse, aujourd’hui propriétaire de la villa Piccolomini. Maintenant la maison serait entièrement vide sans la présence de quatre ouvriers qui viennent passer la nuit dans une cave, et celle de la Mariuccia, qui demeure dans les combles.

La Mariuccia, c’est-à-dire la Marion ou la Mariette (j’avoue que j’ai été influencé par cette similitude de nom avec la vieille gouvernante de mon oncle le curé), la Mariuccia est la gardienne, la servante, la gouvernante, la cuisinière, le régisseur, le factotum de cette grande habitation et des terres qui en dépendent. C’est un être assez singulier et assez remarquable : petite, maigre, plate, édentée, malpropre, hérissée, elle s’attribue una trentasettesina d’années. J’ai été fort effrayé quand elle m’a offert de faire mon ménage et ma cuisine ; mais, en causant avec elle, j’ai reconnu qu’elle était excessivement intelligente, spirituelle même, et qu’elle me serait une ressource dans ces heures de spleen où l’on a besoin d’échanger quelques paroles, quelques idées avec une créature humaine, si bizarre qu’elle soit.

Elle m’a promené et piloté minutieusement dans son palais en commençant par les plus belles chambres et en finissant par les plus humbles, et débattant les pris avec une âpreté énergique. Comme ces prix étaient, en somme, les plus raisonnables que j’eusse encore rencontrés, je ne les discutais que pour me divertir de sa physionomie et de sa parole, étourdissantes de vivacité. Je m’attendais à être rançonné comme partout et mis au pillage comme une proie acquise aux exigences de détail d’une servante-maîtresse. J’y étais tout résigné ; mais à peine eus-je fait choix de mon gîte, que les choses changèrent subitement. La Mariuccia, soit qu’elle m’eût pris en amitié, soit qu’elle ait dans le ca-