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Page:Sand - La Daniella 1.djvu/197

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— Autrement, des idées viendront à mon frère, et il vous fera un mauvais parti.

— C’est assez revenir sur ce danger-là, ma chère, lui dis-je avec impatience. Je me suis pas habitué à me battre au couteau ; mais, de quelque façon que je m’y prenne, gare à votre frère et à tous vos parents et amis, s’ils me cherchent noise. Je suis d’un naturel très-doux ; mais je sens qu’avec des exploiteurs comme avec des bandits, je peux devenir très-méchant et vendre ma peau extrêmement cher à quelques-uns.

En parlant ainsi à Daniella, en italien, afin que la Mariuccia l’entendît, je les observais attentivement l’une et l’autre, la première surtout, que je crois assez rusée et qui pourrait bien avoir pour moi, non pas une passion de keepsake, comme miss Medora, mais un sentiment fondé sur des vues intéressées. La Mariuccia, quoique fine, me parut n’avoir que de bonnes intentions. Quand à la stiratrice, il me fut difficile de pénétrer ses sentiments. Elle semblait épier les miens propres : nous restions donc tous deux sur la défensive.

Quand j’eus fini de parler, elle garda un instant le silence, comme pour chercher une solution à une situation qu’il lui plaisait apparemment de croire embarrassante ou périlleuse ; et, tout à coup, au lieu de me répondre elle s’adressa à sa tante.

— Je vous ai raconté, lui dit-elle, que le signore avait tué un voleur et mis deux autres en fuite auprès de Casalmorte, Je sais comme il est hardi, et plus fort qu’il n’en a l’air : je l’ai vu se battre avec ces mauvaises gens. Si quelqu’un doit avoir peur, ce n’est pas lui, et Masolino fera bien de se tenir tranquille.

Puis, se retournant vers moi, elle ajouta en français :

— Mais pourquoi donc, pour éviter des querelles, ne voulez-vous point passer pour amoureux de la Medora ?