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Page:Sand - La Daniella 1.djvu/99

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— Comment, elle ? à toi ?

— À la Daniella, ma cousine ; c’est la même chose.

— Ah ! oui-da, vraiment ! voilà un amour dont je ne me serais pas avisé !

— Voyons, voyons, mossiou, c’est moi que je m’y connais ! vous êtes amoureux. La Daniella vous le dira comme moi. Elle n’est pas sotte : je suis son oncle.

— Tu disais son cousin ?

— N’importe. Tenez, la voilà.

En effet, la Daniella entrait avec un immense plateau chargé, sous prétexte de thé, d’un déjeuner complet.

— Eh ! bon Dieu ! qui m’envoie cela ? m’écriai-je. Je n’ai rien demandé ; je ne veux pas être nourri ici, moi, que diable !

— Ça ne me regarde pas, répondit la jeune fille. Je fais ce que l’on m’a commandé.

— Qui ?

— Milord, milady et la signorina. Je vous prie de manger, monsieur, ou je serai grondée.

— Est-ce que l’on vous gronde quelquefois, Daniella ?

— Oui, depuis hier ! répondit-elle d’un air singulier. Mais mangez donc !

Brumières est survenu et s’est moqué de ma contrariété. Il prétend que je fais des façons ridicules ; qu’il n’y a rien de plus contraire au bon goût que cette petite fierté bourgeoise en révolte contre la facile libéralité des grands ; que ces gens-là font leur devoir et leur bonheur en caressant et en gâtant ainsi les artistes ; enfin, qu’à ma place, il se laisserait faire ; et il a ajouté que justement, pour être à cette place dans les bonnes grâces d’une certaine personne de la famille, il aurait tué dix brigands et, au besoin, trois honnêtes gens par-dessus le marché.

Son entrain et sa gaieté ont charmé Tartaglia et la soubrette ; de sorte que la conversation s’est établie sur les su-