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Page:Sand - La Mare au Diable.djvu/100

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craint de se faire critiquer en prenant un homme qui a dix ou douze ans de plus qu’elle, parce que ce n’est pas la coutume du pays ; mais j’ai entendu dire que dans d’autres pays on ne regardait point à cela ; qu’au contraire on aimait mieux donner pour soutien, à une jeunesse, un homme raisonnable et d’un courage bien éprouvé qu’un jeune gars qui peut se déranger et, de bon sujet qu’on le croyait, devenir un mauvais garnement. D’ailleurs, les années ne font pas toujours l’âge. Cela dépend de la force et de la santé qu’on a. Quand un homme est usé par trop de travail et de misère ou par la mauvaise conduite, il est vieux avant vingt-cinq ans. Au lieu que moi… Mais tu ne m’écoutes pas, Marie.

— Si fait, Germain, je vous entends bien, répondit la petite Marie ; mais je songe à ce que m’a toujours dit ma mère : c’est qu’une femme de soixante ans est bien à plaindre quand son mari en a soixante-dix ou soixante-quinze, et qu’il ne peut plus travailler pour la nourrir. Il devient infirme et il faut qu’elle le soigne à l’âge où elle commencerait elle-même à avoir grand besoin de ménagement et de repos. C’est ainsi qu’on arrive à finir sur la paille.

— Les parents ont raison de dire cela, j’en conviens, Marie, reprit Germain ; mais enfin ils sacrifieraient tout le temps de la jeunesse, qui est le meilleur, à prévoir ce qu’on deviendra à l’âge où l’on n’est plus