Page:Sand - La Mare au Diable.djvu/166

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combattent ou se succèdent dans les hautes régions. Alors on voit, lorsque ces déroutes arrivent durant le jour, le chef de file flotter à l’aventure dans les airs, puis faire volte-face, revenir se placer à la queue de la phalange triangulaire, tandis qu’une savante manœuvre de ses compagnons les ramène bientôt en bon ordre derrière lui. Souvent, après de vains efforts, le guide épuisé renonce à conduire la caravane ; un autre se présente, essaye à son tour et cède la place à un troisième, qui retrouve le courant et engage victorieusement la marche. Mais que de cris, que de reproches, que de remontrances, que de malédictions sauvages ou de questions inquiètes sont échangés, dans une langue inconnue, entre ces pèlerins ailés !

Dans la nuit sonore, on entend ces clameurs sinistres tournoyer parfois assez longtemps au-dessus des maisons ; et comme on ne peut rien voir, on ressent malgré soi une sorte de crainte et de malaise sympathique, jusqu’à ce que cette nuée sanglotante se soit perdue dans l’immensité.

Il y a d’autres bruits encore qui sont propres à ce moment de l’année, et qui se passent principalement dans les vergers. La cueille des fruits n’est pas encore faite, et mille crépitations inusitées font ressembler les arbres à des êtres animés. Une branche grince, en se courbant, sous un poids arrivé tout à coup à son dernier degré de développement ; ou bien, une pomme se