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Page:Sand - La Ville noire.djvu/120

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la ville noire.

rai jamais le courage de me marier par courage. J’ai la fantaisie de me marier joyeusement, par amitié et avec toute confiance dans mon sort. Voilà pourquoi, ne voyant pas en vous cette confiance-là, je n’ai pas eu de dépit contre vous. À présent, le moment de se raviser est passé. Vous ne pouvez pas m’offrir, comme vous le prétendez, une existence assurée. Quand vous aviez vos économies disponibles, je pouvais songer à m’établir avec vous ; vous m’auriez consultée, j’imagine, sur votre placement, et nous aurions arrangé notre vie à la satisfaction de l’un et de l’autre. Aujourd’hui tout est changé ; vous voilà propriétaire d’une chose qui ne vaut peut-être rien, dans un endroit qui ne me plairait peut-être pas. D’ailleurs vous êtes loin d’être rentré dans vos dépenses. Comment pouvez-vous songer à avoir femme et enfants ? Ce serait pour vous une bien plus grosse charge qu’auparavant, car une année de mauvaise vente, quelques semaines de chômage, un accident de rivière, peuvent vous mettre à bas, et aucune fille raisonnable et prévoyante ne vous confiera son sort.