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Page:Sand - La Ville noire.djvu/260

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pondant : — À la longue, le nourrisson mènera durement la marâtre… Souviens-toi !

« Souviens-toi du premier ouvrage complet qui sortit de ta main exercée. Ce jour-là, l’orgueil visita ton âme, et tu te sentis plus grand de toute ta tête. Tu te baissas pour sortir par la porte de l’atelier ; tu regardas le soleil cherchant s’il ne lui manquait pas un rayon dérobé par toi pour éclairer l’acier que tu venais de façonner, et il te sembla que toute la Ville Noire avait les yeux sur toi, en disant : — Rangeons-nous, il n’y a plus d’enfant ici, vrai Dieu ! Voilà un de nos citoyens qui passe !… Souviens-toi !

« Souviens-toi du jour où tu vis ta bourse remplie et la liberté devant toi. Ce jour-là, tu t’écrias que le monde entier t’appartenait, et que tu pouvais y choisir ta place ; mais si ton rêve fut grand, ta place fut petite, et ta peine recommença plus acharnée, quand tu te vis aux prises avec la plus fine et la plus dure des machines, la plus docile et la plus rebelle, la plus ingrate et la plus généreuse, enfin la machine des machines, l’homme qui travaille pour l’homme. Souviens-toi !