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Page:Sand - La Ville noire.djvu/75

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la ville noire.

règlements de compagnonnage ; mais, pour l’étendre convenablement, il faudrait un premier capital assez rond et une première pensée assez forte. Ne me sentant pas les connaissances et les talents qu’il faudrait pour fonder une société et y faire concourir des personnes riches, je me mis en tête de me créer un capital dont je pourrais par la suite me servir d’une manière ou de l’autre pour le bien de tous. Je ne savais pas encore ce que je pourrais proposer, et j’ai fait là-dessus bien des projets qu’il est inutile d’énumérer, puisque j’ai échoué pour la création du capital nécessaire ; mais je tiens beaucoup à te dire, jeune homme, que ce n’est pas l’amour de l’argent qui m’a jeté dans les entreprises : c’est l’amitié que je sentais pour tous mes camarades malheureux. J’aurais voulu, comme Henri IV, dont j’ai lu l’histoire, mettre la poule au pot de tous les artisans, et je me sentis tout d’un coup possédé d’un grand amour-propre, comme si j’entendais dans ma tête une voix qui me disait : « Marche, et crois en toi-même ! Tu as été choisi pour devenir le père du peuple de la Ville Noire ! »