Page:Sand - Laura - Voyages et impressions.djvu/131

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mois que nous avons quitté le navire, reprit-il en me tâtant le pouls ; car, si je ne t’eusse alimenté de bon bouillon en tablettes et de thé bien chaud, tu serais mort de faim, tant la fièvre t’ôtait la conscience de ta propre conservation. J’ai bien fait de t’attacher solidement et de fixer la longe de tes chiens à mon traîneau, tu te serais perdu en route comme un paquet. Enfin te voilà guéri, et tu ne me parleras plus, j’espère, de navire abandonné, d’équipage détruit par un poison frénétique, ni de ma fille cachée à bord dans une malle et condamnée à nous servir de guide vers le pôle arctique.

Je demandai pardon à mon oncle des sottises que j’avais pu dire dans la fièvre, et je le remerciai des soins qu’il m’avait donnés à mon insu.

Nous fîmes un copieux repas, et je ne m’étonnai plus de voir nos provisions si abondantes et si fraîches quand j’appris qu’elles avaient été renouvelées plusieurs fois en route par l’heureuse rencontre d’animaux surpris dans la neige et d’oiseaux de nuit attirés par la vive lumière de notre fanal. J’appris aussi que nous avions été constamment