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Page:Sand - Le Château des désertes - Les Mississipiens, Lévy, 1877.djvu/101

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Peirecote m’avait soufflé le poison de sa curiosité, et je ne tenais pas en place. Il me sembla qu’il était fort tard, tant j’avais fait de rêves en peu d’instants. Ma montre s’était arrêtée ; mais l’horloge du hameau sonna neuf heures, et je m’inquiétai du reste de ma nuit, car je n’avais plus envie de dessiner ; il m’était impossible de lire, et je mourais d’envie d’agir comme un écolier, c’est-à-dire d’aller chercher quelque aventure poétique ou ridicule sous les murs du vieux château.

Je commençai par m’assurer d’un moyen de sortie qui ne fit ni bruit ni scandale, et je l’eus trouvé avant d’être décidé à m’en servir. Les contrevents de ma fenêtre ouvraient sans crier et donnaient sur un petit jardin clos seulement d’une haie vive fort basse. La maison n’avait qu’un étage de niveau avec le sol. Cela était si facile et si tentant, que je n’y résistai pas. Je me munis d’un briquet, de plusieurs cigares, de ma canne à tête plombée ; je cachai ma figure dans un grand foulard, je m’enveloppai de mon manteau, et, pour me déguiser mieux, je décrochai de la muraille une espèce de chapeau tyrolien appartenant à M. Volabù ; puis je sortis de la maison par la fenêtre, je poussai les contrevents, j’enjambai la haie ; la neige absorbait le bruit de mes pas. Tout dormait dans le village ; la lune brillait au ciel. Je gagnai la campagne, rien qu’en faisant à l’extérieur le tour de la maison.

J’arrivai au fossé que je connaissais déjà si bien. La nuit avait raffermi la glace. Je montai, non sans peine, le petit escalier, qui était devenu fort glissant. J’entrai résolument dans le parc, et j’approchai du château comme un Almaviva préparé à toute aventure.

Je touchais aux portes vitrées du rez-de-chaussée donnant toutes sur une longue terrasse couverte de vignes desséchées par l’hiver, qui ressemblaient, dans la nuit,