Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/202

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— Quel fait ? lui demandai-je.

— Il y a une demi-heure, répondit-il en me montrant un massif de rochers, ils étaient là tous deux, ils se cachaient. Le saviez-vous ?

— Ce que je sais, c’est qu’ils ne se cachaient pas. Votre soupçon est offensant pour ma femme. Je vous défends de dire un mot de plus sur son compte.

— Vous devez dire comme ça ; mais vous allez voir s’ils y sont encore ?

— J’irai tranquillement pour le plaisir de les rencontrer et sans aucune crainte de les surprendre.

— C’est ça ! vous tousserez pour vous annoncer ! Eh bien, allez, faites comme vous voudrez, soyez trompé ; qu’est-ce que ça me fait, à moi ? Je vous ai averti, j’ai fait mon devoir après tout, car c’est à vous que revenait le soin de punir Tonino. Vous ne le voulez pas ? Eh bien, je le punirai peut-être, moi, un jour ou l’autre : il me tombera sous la main, et je l’écraserai comme une mauvaise bête, car voilà dix ans que je souffre de ses intrigues, et je suis à bout de patience. C’est lui qui a empêché Félicie de m’écouter, et c’est lui qui me fait rougir à présent de l’avoir tant aimée ! Allez, allez, monsieur le mari, fermez les yeux, bouchez vos oreilles et dormez tranquille ; moi, je veillerai pour mon compte.

Il ne me laissa plus lui répondre et s’éloigna hors de lui. Sa colère ne m’avait guère troublé, je le savais vaniteux et susceptible ; je ne le croyais jaloux que par amour-propre, je connaissais son aversion