Aller au contenu

Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/222

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

J’étais la plus risible idole qu’on eût jamais encensée et parée de fleurs pour lui cracher à la figure.

Il fallait pourtant le savoir, ce qui s’était passé. J’étais résolu à le savoir pour apprécier le degré d’indulgence ou de sévérité dont j’avais à faire usage. Ah ! que j’étais peu fait pour ce métier d’espion, et quel dégoût insurmontable il me causait !

C’était le devoir, je me soumis. Je me mis à explorer le rocher où j’avais failli surprendre le rendez-vous. Je découvris une grotte bien enfouie où l’on pénétrait par la voûte crevassée du massif. Monter au faîte de cet édifice naturel et descendre dans l’intérieur par la corniche était une entreprise assez difficile et périlleuse. Félicie n’avait pas reculé devant l’effort et le danger. Une crypte bien abritée avait caché la honte de ses adultères amours. Un rayon de soleil venait s’éteindre brusquement au seuil, un éboulement de sable fin, tamisé par le vent dessinait un méandre à l’entrée, et il fallait marcher sur ce sable pour gagner l’endroit obscur et fermé à tous les regards. Avant d’y poser le pied, je l’examinai attentivement. J’y vis la trace toute fraîche d’une chaussure d’homme.

Tonino était donc là ? Il attendait sa complice ? Ils ne s’inquiétaient pas de m’avoir vu rôder une fois aux alentours ? Ils ne se disaient pas que j’avais pu les apercevoir et concevoir des soupçons ? Il fallait que leur faute fût ancienne et que leurs entrevues fussent fréquentes pour qu’il y eût tant d’effronterie et de confiance dans l’impunité acquise.