Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/225

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qu’elle est méprisable et que je la méprise…

— Eh bien, moi, répondis-je, fût-elle méprisable, je ne veux pas qu’elle soit méprisée. Si j’ai une vengeance à exercer, ce ne sera pas celle-là, et je vous empêcherai de l’outrager et de la diffamer. Vous me forcez à prendre un parti extrême, le voilà pris. Comptons ensemble.

— Qu’est-ce que vous ferez contre moi ?

— Je vous tuerai, maître Sixte, répondis-je avec le plus grand calme.

— Vous me tuerez ?

— Probablement ! Je vous dirai devant témoins que vous en avez menti, et je vous frapperai, s’il le faut, sans haine ni colère, mais jusqu’à ce que mort s’ensuive de part ou d’autre. Voyez si, pour satisfaire votre dépit et votre rancune, vous voulez mettre votre vie dans le danger le plus inévitable et le plus sérieux.

— Croyez-vous me faire peur ?

— Si je croyais vous faire peur, ma menace serait lâche. Je sais que vous êtes tout aussi peu poltron que moi ; mais je sais aussi que, pour le plaisir de faire une mauvaise action, un homme qui a du cœur et de la raison ne s’expose pas à tuer ou à être tué. Vous réfléchirez à ce que je vous dis, maître Sixte ; c’est à prendre ou à laisser, et c’est mon dernier mot.

— Vous êtes un homme étonnant, reprit-il après avoir rêvé un instant ; je vois que vous êtes décidé à faire ce que vous dites, et je me demande pourquoi vous agissez ainsi. Je ne comprends pas.