Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/52

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d’aller voir au chalet si son frère dormait toujours. Il obéit, et mademoiselle Morgeron m’appela auprès d’elle en m’engageant à me reposer. Elle me remercia vivement d’avoir rendu l’énergie et l’espérance à son frère, et me demanda si l’entreprise me paraissait réellement bonne.

— S’il en était autrement, lui dis-je, je ne la lui aurais pas suggérée.

— Vous auriez tort, reprit-elle ; il faut le contenter et l’amuser à tout prix !

Je ne voulais pas recommencer la discussion de la veille. Je lui dis, avec fermeté cette fois, que je ne m’emploierais jamais sciemment à la dépouiller de sa fortune, et, sans le vouloir, je lui fis peut-être sentir que je la trouvais trop jeune pour renoncer à toute pensée d’avenir personnel.

Elle devina ma préoccupation, ou elle interpréta, d’après la sienne propre, les paroles que je disais.

— Vous croyez que je peux songer à me marier ? dit-elle en me regardant fixement.

— Je ne crois rien ; mais vous avez trente ans, vous êtes jolie, vous pouvez et vous devez inspirer de l’amour.

— On peut toujours inspirer de l’amour, reprit-elle ; mais l’estime ?

— Si vous n’avez à vous reprocher que le malheur dont vous m’avez parlé hier, vous l’avez expié rudement, ce me semble, et on serait lâche de vous le reprocher. Le dévouement que vous avez pour votre