Page:Sand - Le Diable aux champs.djvu/280

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si simples, des habitudes si rudes, que je me ferais braconnier sans presque m’en apercevoir. Si c’est ce genre de pitié qui vous empêche de me chasser, ne vous gênez pas. Mais non ! vous ne me faites pas cette injure de croire que, si vous ne m’aimez pas, j’aie besoin de quelque chose au monde. Vous vous faites un devoir de me renvoyer, parce que vous sentez que vous ne m’aimerez jamais… Eh bien, ne vous faites pas de scrupule avec moi. Je sais bien que vous n’êtes pas coquette.

DIANE, souriant. — Bon Gérard !

GÉRARD. — Si vous l’êtes, ce n’est pas avec moi, du moins ! Vous le voyez bien, vous me dites que votre conscience souffre de me faire attendre un amour qui ne vient pas, et si je veux attendre, moi ! si je veux risquer toute ma vie sur une espérance très-faible ? Que peut-il m’arriver de pire, le jour où vous me l’ôterez ? de mourir ? Ah ! ce n’est rien, je vous assure, et c’est sitôt fait que cela ne vaut pas la peine d’en parler.

DIANE. — Gérard, assez, de grâce ! Je vous aime !

GÉRARD, tombant à ses pieds. — Oh ! mon Dieu ! est-ce vous qui me dites cela ?

DIANE. — Oui, je vous aime, et cependant il faut que vous renonciez à moi. Je vous l’ai dit, je ne suis pas digne de vous. Venez, écoutez-moi ! Vous m’y forcez, je vais tout vous dire !




SCÈNE VII


PIERRE, MANICHE, assis dans un pré, au bord d’une mare.

MANICHE. — Ma fine, mon Pierre, si tu as souci à cause de ça tu me feras repentir de te l’avoir dit.

PIERRE. — Du souci, moi ? je serais bien sot ! et cependant… j’en ai encore par secouées ; mais ça ne dure guère, et ça va toujours en diminuant. Foi d’homme, encore deux ou trois jours, et je te promets que ça sera passé.