Page:Sand - Le Diable aux champs.djvu/323

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JENNY. Non, car elle y reste !

JACQUES. — Maintenant, mes enfants, songez à votre mariage, non comme à un but convoité par la passion, mais comme à la consécration de toute une existence de vertu, de courage et de travail. Vous n’avez rien ni l’un ni l’autre, selon le langage du siècle, mais vous avez tout selon Dieu. Marigny n’est pas d’humeur à accepter les bienfaits de madame de Noirac, et je suis forcé de vous dire, à vous, Jenny, qui aimez cette dame, que je doute d’un véritable accord entre elle et vous, quand elle saura de qui vous êtes aimée.

JENNY. — Ah ! monsieur Jacques, elle a pris une bonne résolution ; elle a été bien éprouvée depuis deux jours, elle a reçu des leçons bien sévères… Oui, elle m’a tout dit, Florence. Eh bien, elle est vaincue ; mais elle est sans dépit, et elle désire que vous ayez de l’estime pour la marquise de Mireville, Elle veut se marier tout de suite.

FLORENCE. — Jenny, je ne suis entré au service de cette belle dame que pour être auprès de vous. J’y resterai tant que vous voudrez ; mais, prévoyant avec monsieur Jacques qu’un temps peut venir où vous ne le désirerez plus, j’ai formé un projet qui nous permettrait de rester auprès de lui et de ses amis. J’ai travaillé depuis deux ans que je suis pauvre, et j’ai de quoi acheter un coin de terre dans ce beau pays que j’aime, puisque j’y ai trouvé le bonheur. J’y travaillerai pour mon compte, et je sais que je vous y ferai vivre libre et respectée, dans une pauvreté sans misère, sans honte et sans découragement. Voilà tout ce que vous voulez, n’est-ce pas ?

JENNY. — Je veux tout ce que vous voudrez, Florence. Ah ! j’aime tant à obéir, moi ! et vous obéir, ce sera me commander à moi-même !

JEAN. — Monsieur Jacques, mademoiselle Jenny, monsieur Florence, la comédie est finie, et on vous attend pour aller souper au château.

JACQUES. — Nous voilà. Venez, mes amis. Demain, j’irai voir mon autre fille, Céline, et je lui dirai qu’ayant tra-