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Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/155

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quand il vit qu’en dépit de ses efforts pour se soutenir au diapason de son enjouement ordinaire, mademoiselle de Saint-Geneix était de plus en plus préoccupée. La vraie cause était celle-ci : Caroline avait, absolument comme à l’ordinaire, adressé la parole au marquis pour des questions de détail intérieur, et lui, ordinairement si poli, l’avait fait répéter. Elle pensa qu’il était préoccupé lui-même ; mais deux ou trois fois elle rencontra son regard froid, hautain, presque méprisant. Glacée de surprise et de terreur, elle devint tout à fait morne et fut forcée d’attribuer son état moral à une migraine.

Le duc eut un vague soupçon de la vérité en ce qui concernait son frère ; mais ce soupçon se dissipa lorsqu’il vit celui-ci reprendre tout à coup sa gaieté. Il ne devina pas les alternatives d’abattement et de réaction par lesquelles passait cette âme troublée, et, croyant pouvoir s’occuper impunément de Caroline : — Vous souffrez, lui dit-il ; je vois que vous souffrez beaucoup ! Maman, prenez-y garde, depuis quelque temps mademoiselle de Saint-Geneix est souvent pâle.

— Vous croyez ? répondit la marquise en regardant Caroline avec intérêt. Êtes-vous indisposée, chère petite ? Ne me le cachez pas !

— Je me porte à merveille, répondit Caroline. Aujourd’hui j’ai un peu le grand air et le soleil dans la tête ; mais ce n’est rien du tout.

— Eh bien ! si fait, c’est quelque chose, reprit la