Aller au contenu

Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/188

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

crut pas un mot. Elle parla chiffons, et tout à coup :

— Ah ! mon Dieu ! dit-elle, voilà que l’envie de dormir me prend, moi ! Ce que c’est que le voyage ! À demain, chère Caroline. Êtes-vous matinale ?

— Oui, et vous ?

— Moi, hélas ! pas trop ; mais dès que j’aurai les yeux ouverts,… entre dix et onze, n’est-ce pas ? je vous trouverai chez vous.

Elle se retira, décidée à se lever matin, à errer partout, comme au hasard, et à surprendre tous les détails d’intimité de la famille. Caroline la suivit pour l’installer dans son appartement et rentra dans sa petite chambre, qui était assez éloignée de celle du marquis, mais dont les croisées en retour sur le préau se trouvaient à peu près en face des siennes.

Avant de se coucher, elle mit en ordre quelques cahiers, car elle étudiait beaucoup et aimait à s’instruire ; elle entendit sonner une heure du matin, et alla fermer sa persienne avant de se déshabiller. En ce moment, elle saisit un coup sec frappé sur les vitres d’en face, et, ses yeux se portant dans la direction du bruit, elle vit tomber en éclats une glace de la fenêtre éclairée du marquis. Étonnée de cet accident et du silence qui suivit, Caroline prêta l’oreille. Personne ne bougeait, personne n’avait entendu. Peu à peu des sons confus lui parvinrent, d’abord de faibles plaintes, puis des cris étouffés et une sorte de râle.

— On assassine le marquis ! fut sa première pensée, car les murmures sinistres partaient évidemment de