Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/208

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soumit bon nombre de faits qui l’avaient retenu et embarrassé lui-même. Elle les jugea d’un mot, avec le grand bon sens d’un esprit neuf et d’un cœur pur, et il s’écria bientôt en regardant le duc : — Elle trouve le vrai, parce qu’elle le porte en elle, et que c’est la première condition pour voir clair. Jamais une conscience troublée, jamais un esprit faussé n’entendront l’histoire.

— C’est pour cela, lui dit-elle, qu’il ne faut peut-être pas trop faire l’histoire avec des mémoires, car presque tous sont l’ouvrage de la prévention ou des passions du moment. C’est la mode aujourd’hui de déterrer tout cela avec grand soin, et d’apporter beaucoup de menus faits peu connus qui ne méritaient pas de l’être.

— Oui, vous avez raison, répondit le marquis ; si l’historien, au lieu de rester fort de sa croyance et de son culte pour les grandes choses, se laisse trop égarer ou distraire par les petites, la vérité perd tout ce que la réalité envahit.

Si nous rapportons ces entretiens, peut-être un peu en dehors de la couleur d’un roman, c’est qu’ils sont bien nécessaires pour faire comprendre le sérieux et le calme apparent des rapports qui s’établirent entre le savant érudit et l’humble lectrice au manoir de Séval, en dépit du soin que prit le duc de les laisser aux prises avec les tentations de la jeunesse et de l’amour. Le marquis reconnut qu’il appartenait à Caroline, non pas seulement par l’enthousiasme, par