Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/318

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

« Il y a auprès du Puy, et faisant partie de son magnifique paysage, un village que couronne aussi une de ces roches isolées, singulières, qui percent ici la terre à chaque pas. Cela s’appelle Espaly, et le rocher porte aussi des ruines de château féodal et des grottes celtiques. Une de ces grottes est habitée par un pauvre vieux ménage dont la misère est navrante. Les deux époux sont là dans la roche vive, avec un trou pour cheminée et pour fenêtre. La nuit, on bouche en hiver la porte avec de la paille, en été avec le jupon de la vieille femme. Un grabat sans draps et sans matelas, deux escabeaux, une petite lampe de fer, un rouet et deux ou trois pots de terre, voilà tout le mobilier.

« A deux pas de là, il y a pourtant une vaste et splendide maison de jésuites qu’on appelle le Paradis. Au bas du rocher coule un ruisseau qui charrie des pierres précieuses dans son sable. La vieille femme m’a vendu pour vingt sous une poignée de grenats, de saphirs et d’hyacinthes que je garde pour Lili. Les grains sont trop petits pour avoir aucune valeur, mais il doit y avoir un précieux gisement dans ces rochers. Les pères jésuites le découvriront peut-être ; moi, je ne compte pas faire cette découverte : aussi faut-il que je songe à me procurer du travail. Peyraque a une idée dont il m’entretient depuis quelques jours, et qui lui est venue précisément à ce rocher d’Espaly ; voici comment.

« Tout en me promenant sur ce rocher, je me suis