Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/327

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bouclés, fins comme de la soie. Ses menottes sont des chefs-d’œuvre, et il ne les salit jamais. Il ne gratte pas la terre, il ne touche à rien ; sa vie se passe à regarder. Je suis sûre qu’il a des pensées au-dessus de son âge qu’il ne peut exprimer, ou plutôt une suite de rêves charmants et divins qui ne se peuvent traduire dans les langues humaines, car il parle très-couramment pour son âge en français et en patois. Il a pris l’accent du pays, mais il le rend très-doux en grasseyant un peu. Il a les plus jolies raisons du monde pour faire tout ce qu’il veut, et ce qu’il veut, c’est d’être dehors, de grimper sur les ruines ou de se glisser dans les fentes ; là, il s’assied et regarde les petites fleurs et surtout les insectes sans y toucher, mais en suivant tous leurs mouvements et en ayant l’air de s’intéresser aux merveilles de la vie, tandis que les autres enfants ne songent qu’à écraser et à détruire.

« J’ai essayé de lui donner les premières notions de lecture, persuadée (peut-être contre l’avis du père) que plus on prend les enfants de bonne heure, plus on leur épargne le gros effort de l’attention, si pénible quand la force et l’activité sont plus développées. J’ai tâté son intelligence et sa curiosité ; elles sont extraordinaires, et, avec notre merveilleuse méthode, qui a si bien réussi avec tes enfants, je suis sûre que je lui apprendrais à lire en un mois.

« Et puis cet enfant est tout âme, et sa volonté se fond dans une affection sans bornes. La nôtre va vrai-