Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/350

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emparé de l’esprit de Caroline. Peyraque lui-même était démoralisé et gardait le silence. Le chemin barré qu’il avait été forcé de laisser de côté ne reparaissait plus, et depuis un quart d’heure on marchait sur un gazon spongieux crevé par les pieds du bétail au pâturage, mais n’offrant plus aucune trace de roues. Le cheval s’arrêta, baigné de sueur ; il avertissait qu’il n’avait jamais passé par là.

Peyraque descendit, entrant dans la tourbe jusque mi-jambes, et chercha à s’orienter. C’était tout à fait impossible. Les montagnes et les ravins n’offraient qu’une plaine de vapeur blanche.

— Nous avons perdu la route ? lui dit Caroline avec indifférence.

En ce moment, le vent fit une trouée dans le brouillard, et on vit au loin de fantastiques horizons empourprés par le soleil ; mais la nuée se referma si vite que Peyraque n’avait rien pu reconnaître sur ce point isolé de la ceinture lointaine des montagnes. Cependant on entendit des aboiements et puis des voix, et on ne distingua les chiens que quand ils furent à deux pas. Ils devançaient une caravane d’hommes et de mulets portant des légumes et des outres. C’étaient des montagnards qui étaient allés échanger dans la plaine le fromage et le beurre de leurs vaches contre des fruits et des légumes du bas pays. On s’aboucha et on se renseigna. Il fut dit à Peyraque qu’il avait eu grand tort de vouloir aller en voiture aux Estables dans cette saison, que cela ne se pouvait pas, et qu’il