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Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/77

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d’ambre, une auréole superbe, et ne montrait ni son bras ni son épaule ; mais je voyais son cou de neige et sa main mignonne, son pied aussi, car elle n’avait pas de sabots.

Caroline, un peu ennuyée de la description de sa personne dans la bouche du Lovelace émérite, regarda le marquis comme pour protester. Elle fut surprise de trouver une certaine anxiété sur sa figure, et il évita son regard avec une légère contraction du sourcil.

Le duc, à qui rien n’échappait, poursuivit :

— Cette adorable apparition me frappa d’autant plus qu’elle résumait à mes yeux les deux types de ma vision évanouie, c’est-à-dire qu’elle conservait de l’un et de l’autre tout ce qui en fait le mérite : la noblesse des lignes et la fraîcheur des tons, la délicatesse des traits et l’éclat de la santé. C’était une reine et une bergère dans la même personne.

— Voilà un portrait qui n’est pas flatté, dit la marquise, mais qui, lancé à bout portant, manque peut-être de légèreté dans la main. Ah çà ! mon fils, ne seriez-vous pas encore un peu… surexcité ?

— Vous m’avez ordonné de parler, reprit le duc. Si je parle trop… faites-moi taire.

— Non ! dit vivement Caroline, qui voyait une sorte de sécheresse soupçonneuse sur la physionomie du marquis, et qui tenait à ne pas laisser dans le vague sa première entrevue avec le duc. Je ne reconnais pas l’original du portrait, et j’attends que M. le duc le fasse un peu parler.