Page:Sand - Le Péché de Monsieur Antoine, Pauline, L’Orco, Calman-Lévy, 18xx, tome 1.djvu/67

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

quatre-vingt-un mille cinq cents francs de déboursés à recommencer.

— C’est beaucoup ! dit Émile en s’efforçant de dissimuler son impatience sous un air sérieux.

— C’est plus de violence que je n’en aurais supposé à ce petit cours d’eau, reprit M. Cardonnet avec autant de calme que s’il eût fait l’expertise d’un dommage étranger à sa fortune… mais ça ne sera pas long à réparer. Holà ! du monde ici… Voilà un soliveau engagé entre deux grandes roues, et qu’un reste d’eau fait ballotter… Ôtez-moi cela bien vite, ou mes roues seront cassées. »

On s’empressa d’obéir, mais la besogne était plus difficile qu’elle ne paraissait. Toute la force de la mécanique tendait à peser sur cet obstacle, qui la menaçait de ne pas rompre le premier. Plusieurs hommes s’écorchèrent les mains en pure perte.

« Prenez donc garde de vous blesser ! » s’écriait involontairement Émile, mettant lui-même la main à l’œuvre pour alléger leur peine.

Mais M. Cardonnet criait de son côté :

« Tirez ! poussez ! allons donc, vous avez des bras de filasse ! »

La sueur coulait de tous les fronts, et on n’avançait guère.

« Ôtez-vous tous de là, cria tout à coup une voix qu’Émile reconnut aussitôt, et laissez-moi faire… je veux en venir à bout tout seul. »

Et Jean, armé d’un levier, dégagea lestement une pierre à laquelle personne ne faisait attention. Puis, avec une dextérité merveilleuse, il donna un mouvement vigoureux au soliveau.

« Doucement, mille diables ! cria M. Cardonnet, vous allez tout briser.

— Si je casse quelque chose je le payerai, répondit le