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Page:Sand - Le Secrétaire intime — Mattéa — La Vallée noire, 1884.djvu/229

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sur sa fille  ; questions pleines d’intérêt, de bonté, mais surtout de curiosité  ; car on sait que les dames de Venise, passant leurs jours dans l’oisiveté, n’auraient absolument rien à dire le soir à leurs amants ou à leurs amis si elles ne s’étaient fait le matin un petit recueil d’anecdotes plus ou moins puériles.

Ser Spada, d’abord très-honoré de ces questions, y répondit moins nettement, et se troubla lorsque la princesse entama le chapitre du prochain mariage de sa fille. « Mattea, lui disait-elle pour l’encourager à répondre, est la plus belle personne du monde  ; vous devez être bien heureux et bien fier d’avoir une si charmante enfant. Toute la ville en parle, et il n’est bruit que de son air noble et de ses manières distinguées. Voyons, Spada, pourquoi ne me parlez-vous pas d’elle comme à l’ordinaire ? Il me semble que vous avez quelque chagrin, et je gagerais que c’est à propos de Mattea  ; car, chaque fois que je prononce son nom, vous froncez le sourcil comme un homme qui souffre. Voyons, voyons  ; contez-moi cela. Je suis l’amie de votre petite famille  ; j’aime Mattea de tout mon cœur, c’est ma filleule  ; j’en suis fière. Je serais bien fâchée qu’elle fût pour vous un sujet de contrariété, et vous savez que j’ai droit de la morigéner. Aurait-elle une amourette ? refuserait-elle d’épouser son cousin Checo ? »

M. Spada, dont toutes ces interrogations augmentaient terriblement la souffrance, essaya respectueusement de les éluder  ; mais Veneranda, ayant flairé là l’odeur d’un secret, s’acharnait à sa proie, et le bonhomme, quoique assez honteux de ce qu’il avait à dire, ayant une juste confiance en la bonté de la princesse, et d’ailleurs aimant à parler comme un Vénitien, c’est-à-dire presque autant qu’une Grecque, se résolut à confesser le sujet de sa préoccupation.