Page:Sand - Le Secrétaire intime — Mattéa — La Vallée noire, 1884.djvu/234

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Mattea. — La volonté que vous receviez bien Checo, répondit ma femme  ; car vous savez qu’il doit être votre mari  ; et je n’entends pas que vous le tourmentiez de mille caprices, comme font les petites personnes d’aujourd’hui, qui meurent d’envie de se marier, et qui, pour jouer les précieuses, font perdre la tête à un pauvre fiancé par des fantaisies et des simagrées de toute sorte  ; Depuis quelque temps vous êtes devenue fort bizarre et fort insupportable, je vous en avertis, » etc., etc. Votre Excellence peut imaginer tout ce que dit ma femme, elle a une si brave langue dans la bouche ! Cela finit par impatienter la petite, qui lui dit d’un air très-hautain : « Apprenez que Checo ne sera jamais mon mari, parce que je le déteste, et parce que j’ai disposé de mon cœur. » Alors Loredana se mit dans une grande colère et lui fit mille menaces. Mais je la calmai en disant qu’il fallait savoir en faveur de qui notre fille avait, comme elle le disait, disposé de son cœur  ; et je la pressai de nous le dire. J’employai la douceur pour la faire parler, mais ce fut inutile. « C’est mon secret, disait-elle  ; je sais que je ne puis jamais épouser celui que j’aime, et j’y suis résignée  ; mais je l’aimerai en silence, et je n’appartiendrai jamais à un autre. « Là-dessus, ma femme s’emporta de plus en plus, lui reprocha de s’être énamourée de ce petit aventurier de Timothée, le laquais d’un Turc, et elle lui dit tant de sottises que la colère fit plus que l’amitié, et que la malheureuse enfant s’écria en se levant et en parlant d’une voix ferme : « Toutes vos menaces sont inutiles  ; j’aimerai celui que mon cœur a choisi, et puisque vous voulez savoir son nom, sachez-le : c’est Abul. » Là-dessus elle cacha son visage enflammé dans ses deux mains, et fondit en larmes. Ma femme s’élança vers elle et lui donna un soufflet.

— Elle eut tort ! s’écria la princesse.