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Page:Sand - Le Secrétaire intime — Mattéa — La Vallée noire, 1884.djvu/264

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à son mari  ; puis elle courut s’enfermer dans sa chambre, où elle tomba sur le carreau en proie à d’affreuses convulsions.

Mattea essuya le sang qui coulait sur son visage et regarda une minute cette porte par laquelle sa mère venait de sortir  ; puis elle fit un grand signe de croix en disant : « Pour jamais ! »

En un instant les draps de son lit furent attachés à sa fenêtre, qui, étant située immédiatement au-dessus de la boutique, n’était éloignée du sol que de dix à douze pieds. Quelques passants attardés virent glisser une ombre qui disparut sous les couloirs sombres des Procuraties  ; puis bientôt après une gondole de place, dont le fanal était caché, passa sous le pont de San-Mose, et s’enfuit rapidement avec la marée descendante le long du grand canal.

Je prie le lecteur de ne point trop s’irriter contre Mattea  ; elle était un peu folle, elle venait d’être battue et menacée de la mort  ; elle était couverte de sang, et de plus elle avait quatorze ans. Ce n’était pas sa faute si la nature lui avait donné trop tôt la beauté et les malheurs d’une femme, quand sa raison et sa prudence étaient encore dignes d’un enfant.

Pâle, tremblante et retenant sa respiration comme si elle eût craint de s’apercevoir elle-même au fond de la gondole, elle se laissa emporter pendant environ un quart d’heure. Lorsqu’elle aperçut les dentelures triangulaires de la mosquée se dessiner en noir sur le ciel éclairé par la lune, elle commanda au gondolier de s’arrêter à l’entrée du petit canal des Turcs.

La mosquée de Venise est un bâtiment sans beauté, mais non sans caractère, flanqué et comme surchargé de petites constructions, qui, par leur entassement et leur irrégularité au milieu de la plus belle ville du monde, pré-