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Page:Sand - Le compagnon du tour de France, tome 1.djvu/68

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couait impétueusement et qu’il se flattait de faire caracoler à la portière du côté d’Yseult.

— Cette petite pimbêche a été fort sotte avec moi tout à l’heure, se disait-il ; elle croit pouvoir me traiter comme un enfant ; il est bon de lui monter que je suis un homme, et tout à l’heure, en me voyant passer bride abattue, elle a dû faire quelques réflexions sur ma bonne mine.

La voiture gagnait aussi la côte, et montait le pas. Le comte, penché à la portière, adressait quelques questions à son intendant : c’était le moment pour Isidore de briller du côté des demoiselles, qui précisément le regardaient. Beauceron, toujours fort contrarié, secondait, sans le vouloir, les intentions de son maître en roulant de gros yeux et s’encapuchonnant d’un air terrible. Mais un incident inattendu changea bien fatalement l’orgueil du cavalier en colère et en confusion. Le Beauceron, battu par lui dans l’écurie et ne sachant à qui s’en prendre, avait mordu la Grise, une pauvre vieille jument fort paisible qui se trouvait maintenant attelée en troisième à la berline. La Grise ne sentit pas plus tôt le Beauceron passer et repasser auprès d’elle, que son ressentiment s’éveilla. Elle lui lança un coup de pied auquel le bidet voulut riposter ; Isidore tranche le différend en appliquant à sa monture de vigoureux coups de cravache à tort et à travers ; le Beauceron hors de lui se cabra si furieusement que force fut au cavalier de se prendre aux crins ; le postillon, impatienté des distractions de la Grise, allongea un coup de fouet qui atteignit le Beauceron ; celui-ci perdit patience : et de sauts en écarts, de soubresauts en ruades réitérées, le vaillant Isidore fut désarçonné et disparut dans la poussière.

— Voilà ce que j’attendais ! dit le comte avec son calme imperturbable