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Page:Sand - Le compagnon du tour de France, tome 2.djvu/117

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LE COMPAGNON

mettre au piano, et en un instant le bal fut organisé. On avait été chercher, pour faire nombre (car il y avait peu de dames), la fille de l’adjoint et celles des fermiers qui avaient d’assez belles toilettes pour des dames de village. Pendant ce temps, Achille, indigné de la frivolité du vieux comte, s’était éclipsé avec ses hommes, et avait envoyé chercher Pierre Huguenin.

Dans la matinée, Pierre avait reçu, par un exprès, un billet du commis voyageur dans lequel, en lui annonçant son arrivée, il le priait d’avertir et de rassembler les membres de sa future Vente, et lui marquait le rendez-vous pour le soir même, pendant les amusements de la fête, dans l’atelier du château. Pierre avait fait ses dispositions avec un certain découragement. Plus il voyait approcher le moment de se lier par des engagements sérieux à une œuvre qui lui avait d’abord paru vaine et frivole, plus il sentait revenir ses répugnances. Il était même en proie à une sorte de remords, que ne pouvaient plus étouffer les naïves illusions dont l’entretenait mademoiselle de Villepreux. Enfin l’heure était venue, et Pierre se promettait de refuser son adhésion si la formule du serment et l’exposition du programme impliquaient une trahison quelconque de ses principes et de ses sentiments.

Mais il était écrit qu’il échapperait à ce danger. Au moment où Achille, accompagné de ses prosélytes, marchait dans l’ombre de la nuit vers l’atelier qui devait lui servir de temple, le comte de Villepreux se présenta, et, feignant d’ignorer ses projets, lui dit qu’un mandat d’amener était lancé centre lui, que les gendarmes le cherchaient, et qu’il n’avait pas un instant à perdre pour se dérober aux poursuites. Ses plans avaient été éventés ; le préfet avait écrit au procureur du roi ; on était résolu à sévir contre tous les actes de sa propagande. Heureuse-