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Page:Sand - Le compagnon du tour de France, tome 2.djvu/141

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LE COMPAGNON

Le père Huguenin ne put s’empêcher de rire ; et puis, comme la toilette de dame Luxure ne finissait pas, il reprit de l’humeur, gronda le Corinthien qui semblait ne pas l’entendre, et finit par lui parler d’un ton rude et avec des regards enflammés.

— Laissez-moi, mon maître, dit le Corinthien ; je ne suis pas en état de vous satisfaire aujourd’hui, et je ne me sens pas plus patient que vous.

Le père Huguenin, habitué à être obéi aveuglément, s’emporta davantage, et voulut lui arracher son ciseau des mains. Pierre, qui les observait avec anxiété, vit une fureur sauvage s’allumer dans les yeux du Corinthien, et sa main chercher un marteau qu’il eût levé peut-être sur la tête du vieillard, si Pierre ne se fût élancé devant lui.

— Amaury ! Amaury ! s’écria-t-il, que veux-tu donc faire de ce marteau ? Crois-tu que mon cœur ne soit pas assez brisé par ta souffrance ?

Amaury vit des larmes rouler sur les joues de son ami. Il se leva, et s’enfuit dans le parc. Quand les ouvriers furent sortis de l’atelier pour goûter, il se précipita dans le passage secret avec son marteau qu’il n’avait pas quitté. Il s’attendait à trouver la porte de l’alcôve barricadée, et se promettait de l’enfoncer. Peut-être roulait-il dans son esprit une pensée plus sinistre. Il est certain qu’il s’attendait à trouver le vicomte auprès de la marquise. Mais, en poussant le ressort qu’il avait mis lui-même à la porte secrète, il ne rencontra aucune résistance. Il avait arrangé cette porte de manière à ce qu’elle s’ouvrît sans bruit ; car, dans ses nuits de bonheur, il n’avait rien négligé pour en assurer le mystère. Il entra donc dans la chambre de Joséphine sans l’éveiller, et la vit couchée sur son lit, à demi nue, les cheveux en désordre, les bras encore chargés de pierreries, et les jambes entourées de