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Page:Sand - Le compagnon du tour de France, tome 2.djvu/146

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DU TOUR DE FRANCE.

— Je vous la promets !

— C’est le bon Dieu qui m’a fait vous rencontrer. Je ne suis pas intéressée ; mais, voyez-vous, je n’ai que mon travail pour nourrir ces enfants-là.

— Tout ira bien, je vous en réponds. Est-ce qu’on vous attend chez vos amis ?

— Mon Dieu, pas si tôt, je pense ! Ils m’ont écrit la semaine dernière, et, au lieu de leur répondre, je suis arrivée tout de suite. Voyez-vous, ma bonne fille, j’étais Mère de Compagnons ; mais vous ne connaissez peut-être pas ces affaires-là ?

— Je vous demande pardon, je connais des compagnons qui m’ont expliqué ce que c’est. Vous avez donc quitté vos enfants ?

— Ce sont mes enfants qui m’ont quittée. Ils n’ont pas pu tenir la ville ; et comme je n’avais pas de quoi monter un autre établissement, je n’ai pas pu les suivre. C’est un chagrin, allez, d’avoir une grande famille comme cela, et d’être ensuite toute seule. Il me semble que je n’ai plus rien à faire, et cependant j’ai ces petits-là à élever. J’ai eu tant de peine à m’en aller, que je me suis dépêchée d’en finir. Nous pleurions tous ; et, quand j’y pense, j’en pleure encore.

— Allons, nous tâcherons de vous les faire oublier. Nous voici dans la cour du château. Chez qui allez-vous ? Trouverez-vous à vous loger chez vos amis ?

— Je ne pense pas ; mais il y a bien une auberge dans ce bourg ?

— Pas trop bonne ; en voici une meilleure. Si vous voulez, on vous y logera jusqu’à ce que vous ayez trouvé à vous établir.

— Dans ce château ? Mais on ne voudra pas me recevoir !

— On vous y recevra très-bien. Venez avec moi.