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LE COMPAGNON

bon cœur, mademoiselle, répondit la Savinienne en baisant la main d’Yseult d’un air digne qui empêcha la jeune fille de repousser cet acte de déférence et de gratitude.

— Je ne viens pas pour vous demander pardon de ne pas avoir deviné hier à qui je parlais ; je vous sais au-dessus de cela. Je ne viens pas non plus me confondre en remerciements pour votre bonté envers nous ; on m’a dit que vous n’aimez pas les louanges. Mais je viens à vous comme à une personne de grand cœur et de bon conseil, pour vous confier un chagrin que j’ai.

— Qui donc vous a inspiré cette confiance en moi, ma chère dame ? dit Yseult en faisant un grand effort sur elle-même pour encourager la Savinienne.

— C’est maître Pierre Huguenin, répondit avec assurance la Mère des compagnons.

— Vous lui avez donc parlé de moi ? reprit Yseult tremblante.

— Nous avons parlé de vous pendant plus d’une heure, répondit la Savinienne, et voilà pourquoi je vous aime comme si je vous avais vue naître.

— Savinienne, vous me faites beaucoup de bien de me dire cela, reprit Yseult qui, malgré tout son courage, sentit une larme brûlante s’échapper de ses yeux. Quand vous reverrez maître Pierre, vous pourrez lui dire que je serai votre amie comme je suis la sienne.

— Je le savais d’avance, répondit la Savinienne ; car j’en venais faire l’épreuve tout de suite.

Ici la Savinienne raconta son histoire à Yseult depuis son mariage avec Savinien jusqu’au moment où elle avait quitté Blois pour se rendre à l’invitation du Corinthien. Puis elle ajouta :

— Je vous ai bien fatiguée de mon récit, ma bonne demoiselle ; mais vous allez voir que c’est une affaire délicate, et sur laquelle je ne pouvais consulter que vous.