Page:Sand - Le compagnon du tour de France, tome 2.djvu/162

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
155
DU TOUR DE FRANCE.

CHAPITRE XXXII.

M. Isidore Lerebours, l’employé aux ponts et chaussées, était depuis quelque temps l’habitant à poste fixe du château de Villepreux. Son père prétendait qu’il avait eu quelques désagréments avec son inspecteur, et que, dégoûté de la partie, il avait donné sa démission. Mais le fait est que la sottise et l’ignorance d’Isidore avaient été insupportables à son chef, qu’il y avait eu des paroles très-vives échangées entre eux ; et que, sur le rapport auquel cette discussion avait donné lieu, il avait été destitué. Il était hébergé au château, en attendant qu’on lui trouvât un nouvel emploi, et demeurait dans la tour que son père occupait au fond de la grande cour, et qui faisait vis-à-vis à la Tour carrée de la Savinienne.

Voyant donc de sa fenêtre tout ce qui se passait là, il s’était bientôt convaincu que la belle veuve n’avait d’intrigue amoureuse ni avec Pierre ni avec le Corinthien ; et, ne doutant pas que ses beaux habits et sa bonne mine ne fissent de l’effet sur cette femme simple et condamnée au travail, il se hasarda à coqueter autour d’elle. La Savinienne ne songea pas d’abord à s’en effrayer, et ne ressentit pas pour lui cet éloignement qu’il inspirait à toutes les femmes de la maison. La Mère des compagnons avait vu tant et de si rudes natures gronder autour d’elle qu’elle ne s’étonnait plus guère de rien, et ne connaissait pas d’ailleurs cette peur anticipée et puérile qui tient de près à la coquetterie agaçante.

Charmé de n’être pas brusqué par elle comme il avait l’habitude de l’être par Julie et les autres soubrettes, Isidore crut que la Savinienne serait de meilleure composition, et s’enhardit auprès d’elle au point de vouloir