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LE COMPAGNON

— Et même, si vous voulez que je dise au Corinthien la manière dont j’envisage la chose, je la lui dirai aujourd’hui.

— Mais, mon oncle, ce serait lui donner une espérance qui ne se réalisera peut-être pas. Je n’attends ni ne désire la mort de l’homme auquel vous m’avez mariée ; et ce serait un crime, à ce qu’il me semble, de présenter cette chance sinistre, à l’homme que j’aime, comme un rêve et un espoir de bonheur.

— Aussi n’est-il pas convenable, dans ce moment, que vous le fassiez vous-même. J’approuve vos scrupules à cet égard. Mais moi qui sais bien que mon cher neveu, le marquis n’est guère aimable, et par conséquent guère regrettable, moi qui ne vous imposerai jamais le semblant d’une hypocrite douleur, et qui comprends fort bien, dans le fond de mon âme, le désir que vous avez d’être libre, je dois me charger de rassurer le Corinthien sur la durée de votre séparation. Cette séparation est nécessaire ; ce que moi seul sais aujourd’hui, tout le monde pourrait le découvrir demain. Il lui sera douloureux de vous quitter : il doit vous aimer éperdument. Mais en lui faisant comprendre qu’il doit vous mériter par ce sacrifice, et qu’il en sera récompensé dans deux ans tout au plus, je ne doute pas qu’il n’accepte la proposition que je vais lui faire.

— Quelle proposition, mon oncle ? demanda Joséphine effrayée.

— Celle de partir tout de suite pour l’Italie, afin d’aller se livrer au culte de l’art sur une terre qui en a gardé les traditions et qui lui fournira les plus beaux modèles. Je lui donnerai tous les moyens d’y faire de bonnes études et de rapides progrès. Dans deux ans peut-être il pourra concourir pour un prix, et alors vous aurez pour époux un élève distingué auquel votre fortune aplanira le chemin de la réputation.