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LE COMPAGNON

pas au grand monde quand on s’est sacrifiée pour y être admise. On aime mieux y briller quelquefois, sauf à y souffrir sans cesse, que d’en être bannie et de n’y pouvoir plus rentrer.

Le comte, riant en lui-même du succès de sa feinte, la quitta en lui promettant de réfléchir à l’explication qu’il aurait avec le Corinthien et en lui donnant jusqu’au soir pour y réfléchir elle-même.

La marquise courut trouver Yseult, et lui raconta de point en point tout ce que le comte venait de lui dire. Yseult l’écouta avec une vive émotion. Sa figure s’éclaira d’une joie étrange ; et la marquise, en finissant son récit, vit avec surprise des larmes d’enthousiasme inonder le visage de sa cousine.

— Eh bien, lui dit-elle, qu’as-tu donc, et que penses-tu de tout cela ?

— Ô mon cher, mon noble aïeul ! s’écria Yseult en levant les yeux et les mains vers le ciel ; j’en étais bien sûre, j’avais bien raison de compter sur lui ! Je le savais bien, moi, que, dans l’occasion, sa conduite s’accorderait avec ses paroles ! Oh ! oui, oui, Joséphine, il faudra épouser le Corinthien !

— Mais je ne te comprends pas, Yseult : tu me disais tantôt qu’il ne me rendrait jamais heureuse, qu’il fallait rompre avec lui ; et maintenant tu me conseilles de m’engager à lui pour toujours !

— J’avais cru devoir te parler ainsi et te montrer les défauts de ton amant pour te guérir d’un amour qui me semblait coupable. Mais mon père a eu le sentiment d’une morale plus élevée ; il comprend la vraie morale, lui ! Il t’a conseillé de redevenir fidèle à ton mari, à l’approche de cette heure solennelle, après laquelle tu seras libre, et pourras faire le serment d’un amour plus légitime et plus heureux !