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PROCOPE LE GRAND.

furent point poursuivis. Les fidèles périrent. « Telle fut la fin de ses redoutables chefs et des Taborites jusqu’alors invincibles. Ainsi arriva ne que Sigismond avait prédit : que les Bohémiens ne pouvaient être vaincus que par les Bohémiens. » Après la victoire, le seigneur de Maison-Neuve choisit les meilleurs et les plus aguerris parmi les prisonniers, les fidèles compagnons de Ziska et de Procope, et les ayant fait entrer dans une grange, où il leur promettait de les gracier et de les enrôler pour la guerre contre Sigismond, il mit le feu à ce bâtiment et les fit tous brûler. Les troupes catholiques de Pilsen, qui avaient pris part à la bataille, égorgèrent leurs prisonniers, au nombre de mille. Ceux de Prague épargnèrent, dit-on, les leurs, pensant, comme Frédéric le Grand des Jésuites, qu’il était fort utile d’en garder pour la graine. Par la suite, ils eurent à se repentir de n’en avoir pas gardé davantage,

Ænéas Sylvius, en racontant ces événements, fait ainsi le portrait des victimes : « C’étaient des hommes noirs, endurcis au vent et au soleil, et nourris à la fumée des camps. Ils avaient l’aspect terrible et affreux, les yeux d’aigle, les cheveux hérissés, une longue barbe, des corps d’une hauteur prodigieuse, des membres tout velue, et la peau si dure qu’on eût dit qu’elle aurait résisté au fer comme une cuirasse. » Ne dirait-on pas d’une race de sauvages importée en Bohême du fond de l’Océanie ? ou bien ces hommes intrépides, couchés dans le sang et dans la poussière, faisaient-ils encore peur au secrétaire intrigant de Sigismond, à l’écrivain hypocrite, athée et fanatique en même temps, à ce lâche des lâches qui fut pape sous le nom de Pie II ? Mais si l’habitude de la guerre et le farouche exercice de ses droits les plus implacables avaient le don de transformer ainsi en bêtes immondes ces effrayants soldats de la liberté, n’est-il pas