Page:Sand - Les Dames vertes, 1879.djvu/154

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le craindre. Je la soignais comme une faculté supérieure et ne lui permettais pas de descendre des hauteurs où je l’avais placée. Je m’abstins donc de toute évocation nouvelle, dans la crainte de m’égarer à la poursuite cabalistique de quelque chimère indigne de moi. L’immortelle m’avait dit de devenir digne qu’elle restât vivante dans ma pensée. Elle ne m’avait pas promis de revenir sous la forme où je l’avais vue. Elle avait dit que cette forme n’existait pas et n’était que la création produite en moi par l’élévation de mon sentiment pour elle. Je ne devais donc pas tourmenter mon cerveau pour la reproduire, car mon cerveau pouvait la dénaturer et faire surgir quelque image au-dessous d’elle. Je voulais purifier ma vie et cultiver en moi le trésor de la conscience, dans l’espoir que, à un moment donné, cette céleste figure viendrait d’elle-même se placer devant moi et m’entretenir avec cette voix chérie que je n’avais pas mérité d’entendre longtemps.