Page:Sand - Les Deux Freres.djvu/116

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tude qu’avait eus la baronne en me faisant cette ouverture, comme si la crainte de désespérer son amie eût été la seule objection qu’elle pût faire à ce projet. Tourmenté d’inquiétude et altéré de vérité, je l’assurai que madame de Montesparre était sincère dans la pensée de son sacrifice.

— Prononcez-vous donc librement, madame la comtesse, lui dis-je, et ne craignez pas de me dire vos intentions.

Elle gardait le silence ; elle s’arrêta et parut réfléchir profondément. Une étrange impatience me gagnait. J’allais insister, elle mit la main sur mon bras et me dit à voix basse :

— Écoutez ! on parle à vingt pas de nous, et c’est la voix de Gaston !

En effet, Gaston était sur le sentier où nous allions le croiser. Il n’était pas seul, une douce voix, celle de Charlotte, répondait à la sienne. Les deux amoureux allaient ensemble au Refuge par le sentier découvert. Ils semblaient arrêtés, et, en nous arrêtant nous-mêmes, en écoutant avec attention, nous saisissions leurs paroles dans l’air sonore et pur.

— Non, disait Charlotte, je n’irai pas plus loin. Si j’entendais M. Alphonse te dire non, je n’aurais pas le courage d’être fière, je pleurerais trop, je lui paraîtrais lâche.

— Il ne dira pas non, répondit Espérance. Je ne dépends que de ma mère ; elle dira oui.