Page:Sand - Les Deux Freres.djvu/121

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perdues, tu en seras quitte pour faire sauter les serrures.

J’avais les clefs dans ma poche. Je feignis de les chercher et d’en être préoccupé. J’étais près d’eux. Ils ne pouvaient rien dire sans être entendus de moi.

— Ainsi, disait Roger, tu épouses ta belle Charlotte, c’est décidé ? Mais quel âge as-tu donc pour te marier ?

— Vingt-trois ans, répondit Gaston sans hésiter.

— Vingt-trois ans ? répéta Roger d’un air étonné. Tu en es sûr ?

— Mais oui.

— Tu as tiré à la conscription ?

— Sans doute.

— Et tu as vu ton acte de naissance ?

— Ça n’était pas nécessaire.

— Enfin l’as-tu vu une fois dans ta vie ?

— Je n’en ai pas encore eu besoin.

— Tu connais tes parents ?

— Ils sont morts.

— Père et mère ?

— Absolument ; mais pourquoi me faites-vous ces questions-là, monsieur le comte ?

— Ne t’en fâche pas. J’ai demandé hier soir au père Michelin qui tu étais. Il m’a répondu qu’on ne connaissait ni ton nom, ni ton pays, ni ta famille, ni ton âge ! N’en rougis pas, mon garçon, ça n’est pas ta faute, ni la mienne. Il paraît que