Page:Sand - Les Deux Freres.djvu/162

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emporté par un élan irrésistible, se jeta dans ses bras en s’écriant :

— Non, non ! pas moi, je ne doute pas de toi !

Ils se tinrent étroitement embrassés. J’étais vivement ému, Ambroise pleurait. Il se leva pour les regarder, et, emporté par la force de la situation :

— C’est bien, c’est bien ! dit-il d’une voix entrecoupée mais nette, tout ça, c’est joli, monsieur Roger, c’est d’un cœur aussi beau que celui de votre frère, car il est votre frère. Tout ce qu’on vous a dit est la vérité, j’en jure !

Roger embrassa aussi Ambroise en le remerciant de son témoignage. Je sentis que j’allais être sommé d’affirmer également, et, pour me soustraire à la nécessité d’accuser ou de mentir, je profitai de l’effusion des autres pour m’esquiver.

J’allai me réfugier dans la chapelle, dont j’avais la clef, et je m’y enfermai, en proie à un désespoir qui ne voulait pas de témoins. Tout était donc consommé, et cette ivresse de joie dont j’avais été attendri moi-même était le fruit d’un mensonge ! À mes yeux, tout était perdu, puisque tout le monde allait être mis d’accord par l’ingénieuse… dirai-je par l’ingénue explication de l’abbé Ferras ! Madame de Flamarande ne résisterait pas à l’entraînement de Roger ; elle accepterait sans scrupule le thème fourni par Roger lui-même, que le comte de Flamarande était fou. On y croirait d’autant plus aisément qu’on le savait bizarre. Il n’avait pas su se