Page:Sand - Les Deux Freres.djvu/96

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— Jusqu’à ce qu’il en vienne un plus fort, vous par exemple.

— Voyons ! s’écria Roger, qui avait fait beaucoup de gymnastique et qui avait la prétention fondée d’avoir de bons muscles, mets ton coude sur cette table, là, comme moi, et que ta main fasse courber la mienne en arrière.

— Jusqu’à l’épaule ? dit Espérance en souriant.

— Si tu peux ! répondit Roger moqueur.

L’épreuve ne fut pas longue.

— Diable ! dit Roger, et sans me faire de mal ! Souple comme un gant ! c’est la vraie force. Je te rends les armes, mon garçon. Je n’embrasserai pas ta fiancée… sous ton nez du moins.

— Ni autrement, reprit Gaston avec sa douceur accoutumée.

— Tu crois que j’aurais peur ?

— Non, vous n’auriez peur de personne que de vous-même.

— Hein ? Comment dis-tu ça ? s’écria Roger stupéfait, car Espérance avait quitté son accent ; ce qui lui arrivait sans préméditation, quand il sentait le besoin d’exprimer une idée plus élevée que ne le comportait le vocabulaire du paysan.

— Je veux dire, reprit Gaston sans se troubler, qu’avec la figure que vous avez, jamais vous ne ferez une chose lâche et mauvaise.

— Tiens, tiens ! dit Roger ému. Assieds-toi donc