Page:Sand - Les Maitres sonneurs.djvu/148

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Huriel regarda très-fixement Brulette, parut surmonter un moment de chagrin et se raffermir en lui-même pour parler ; puis il dit :

— Joseph est malade, assez malade pour que je me sois décidé à venir dire à celle qui en est l’auteur : « Voulez-vous le guérir, et cela est-il en votre pouvoir ? ».

— Qu’est-ce que vous chantez là ? dit mon oncle ouvrant l’oreille, qu’il commençait à avoir un peu dure. En quoi ma fille peut-elle guérir cet enfant dont nous parlons ?

— Si j’ai parlé de moi avant de parler de lui, répondit Huriel, c’est que j’avais à en dire des choses délicates et que vous n’auriez point souffertes du premier venu. À présent, si vous me jugez honnête homme, permettez-moi d’exposer tout ce que je pense et tout ce que je sais.

— Expliquez-vous sans crainte, dit vivement Brulette ; je ne m’embarrasse d’aucune idée qu’on puisse avoir de moi.

— Je n’ai de vous qu’une bonne idée, belle Brulette, répartit le muletier : ce n’est pas votre faute si Joseph vous aime ; et si vous le lui rendez dans le secret de votre cœur, personne n’a le droit de vous en blâmer. On peut envier Joseph dans ce cas-là, mais non point le trahir, ni vous faire de la peine. Sachez donc comment vont les choses entre lui et moi depuis le jour où nous avons fait amitié ensemble, et où je lui ai persuadé de venir apprendre, en mon pays, la musique dont il se montrait si affolé.

— Je ne sais pas si vous lui avez rendu là un bien beau service, observa mon oncle ; m’est avis qu’il aurait pu l’apprendre ici tout aussi bien, et sans chagriner ni inquiéter son monde.

— Il m’a dit, reprit Huriel, et je l’ai bien vu depuis, qu’il ne serait pas souffert par les autres sonneurs. D’ailleurs, je lui devais la vérité, puisqu’il me donnait sa confiance quasiment à la première vue. La musique