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Les Maîtres sonneurs

jeunesse a été très-honnête, voire soumise envers vous. Or donc, si elle a quelque peine cachée, avons-nous le droit de blâmer sa tristesse et son silence ? Ne vaudrait-il pas mieux ne faire semblant de rien, la laisser libre tout le jour d’aller voir ou de recevoir son galant, si elle en a un, et, quant à nous, faire société avec Joset, pour qui seul nous sommes venus ici ? Ne craignez-vous point aussi qu’en nous voyant chercher tous deux un autre logement, on ne se fourre dans l’idée que nous avons quelque mauvais motif pour nous mettre à part ?

— Tu as raison, Tiennet, me dit Brulette. Eh bien, je patienterai avec cette grande rechigneuse et la verrai venir.

Quatorzième veillée

La belle Thérence ayant tout préparé pour notre déjeuner et voyant monter le soleil, demanda à Brulette si elle avait songé à réveiller Joseph. C’est l’heure, lui dit-elle, et il est fâché quand je le laisse dormir trop tard, parce que la nuit d’après il a peine à se reprendre.

— Si c’est vous qui avez coutume de l’appeler, ma mignonne, répondit Brulette, faites-le donc : je ne connais point son habitude.

— Non, non, reprit Thérence d’un ton sec : c’est votre affaire de le soigner à présent, puisque vous êtes venue pour ça. Je peux, à cette heure, m’en reposer et vous en laisser la charge.

— Pauvre Joset ! ne put s’empêcher de dire notre Brulette. Je vois qu’il est d’un grand embarras pour vous et qu’il ferait mieux de s’en revenir avec nous dans son pays !

Thérence tourna le dos sans répondre, et je dis à Brulette : — Allons tous deux l’appeler. Je gage qu’il sera content d’entendre ta voix la première.