Page:Sand - Les Maitres sonneurs.djvu/219

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m’appeler ; mais, je n’eus point le temps de lui faire justice moi-même, car, devant que cette laide figure encharbonnée eût touché la sienne, l’homme reçut au châgnon du cou une si jolie empoignade, que les yeux durent lui en grossir comme ceux d’un rat pris au pilon.

Brulette, croyant que ce secours lui venait de moi, se jeta vitement aux bras de son défenseur, et bien étonnée fut de se trouver dans ceux d’Huriel.

Je voulus profiter de ce que notre ami était embarrassé de ses mains pour empoigner, à mon tour, le méchant coquin, et je lui aurais payé tout ce que je lui devais, si le monde ne se fût mis entre nous. Et comme cet homme nous accâgnait de sottises, nous traitant de lâches, pour nous être mis deux contre lui, la musique s’arrêta : on se rassembla sur le lieu de la querelle, et le grand bûcheux vint avec le grand Archignat, l’un défendant aux muletiers, l’autre aux bûcheux et fendeux, de prendre parti avant que l’affaire fût éclaircie.

Malzac, c’était le nom de notre ennemi (et il avait une langue aussi mauvaise que celle d’un aspic), porta sa plainte le premier, prétendit qu’il avait honnêtement invité la Berrichonne, qu’en l’embrassant il n’avait fait qu’user du droit et de la coutume de la bourrée, et que deux galants de cette fille, à savoir Huriel et moi, l’avions pris en traître et mauvaisement frappé.

— Le fait est faux, répondis-je, et c’est à mon grand regret que je n’ai point roué de coups celui qui vous parle ; mais la vérité est que je suis arrivé trop tard pour le prendre soit en franchise, soit en trahison, et qu’on m’a retenu la main au moment que j’allais cogner. Je vous dis la chose comme elle est ; mais lâchez-moi, et je ne le ferai point mentir !

— Et quant à moi, dit Huriel, je l’ai pris au collet comme on prend un lièvre, mais sans le frapper, et ce n’est pas ma faute si ses habits n’ont pas garanti sa peau ; mais je lui dois une meilleure leçon et ne suis