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Page:Sand - Les Maitres sonneurs.djvu/235

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temps-là, qu’un seul bois avec celui de l’Alleu, je ne le connaissais pas, n’y ayant été qu’une fois depuis que j’étais en ce pays. Je ne fus pas longtemps sans m’y trouver perdu, chose qui ne me tourmenta guère, car je savais que ni l’un ni l’autre de ces bois n’était d’une conséquence à me mener jusqu’à Rome. D’ailleurs, le grand bûcheux m’avait déjà appris à m’orienter, non par les étoiles, qui ne se voient pas toujours en une forêt, mais par la direction des maîtresses branches, lesquelles, en nos pays du mitant, sont souvent battues du vent de galerne et s’étendent plus volontiers vers le levant du jour.

La nuit était très-claire, et si douce, que, si je n’eusse été galopé de quelque souci d’esprit et fatigué de mon corps, j’aurais pris aise à la promenade. Il ne faisait point clair de lune ; mais les étoiles brillaient dans le ciel, qui n’était embrouillé d’aucune nuée ; et mêmement, sous la feuillée, je voyais très-bien à me conduire. Je m’étais fort amendé en courage depuis le temps où j’avais peur en la petite forêt de Saint-Chartier ; car, tout au rebours, je me sentais aussi tranquille que dans nos traines, et voyant fuir les animaux à mon approche, je ne m’en souciais plus du tout. Je commençais aussi à reconnaître que ces endroits couverts, ces ruisseaux grouillants dans les ravines, ces herbages fins, ces chemins de sable, et tous ces arbres d’un beau croît et d’une grande fierté pouvaient faire aimer ce pays à ceux qui en étaient. Il y avait de grandes fleurs dont je ne sais point le nom, qui sont comme gueules blanches picotées de jaune, et dont l’odeur est si vive et si bonne, que, par moments, je me serais cru en un jardin[1].

En marchant toujours vers le couchant, je gagnai les brandes et suivis longtemps la lisière, écoutant et regardant partout ; mais je ne rencontrai signe de monde en aucun lieu, et m’en revins sur la pique

  1. Probablement la mélisse.