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Page:Sand - Les Maitres sonneurs.djvu/344

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— Asseyez-vous là, dit Huriel en l’attirant sur ses genoux, comme cela se fait chez nous sans qu’on y voie du mal ; et dites-moi, ma chère mignonne, si vous n’avez point envie de danser avec quelque autre que moi ? Vous m’avez donné et tenu parole ; c’est tout ce que je souhaitais pour m’ôter un chagrin que j’avais sur le cœur ; mais si vous pensez qu’on en parlera d’une manière qui vous fâcherait, me voilà soumis à votre plaisir, et ne danserai plus qu’à votre commandement.

— Est-ce donc, maître Huriel, répondit Brulette, que vous êtes las de ma compagnie, et que vous souhaitez faire connaissance avec les autres jeunesses de la noce ?

— Oh ! si vous le prenez comme ça, s’écria Huriel tout éperdu de joie, à la bonne heure ! Je ne sais pas seulement s’il y a ici d’autres jeunesses que vous et ne veux pas le savoir.

Alors, il lui présenta son verre, la priant d’y toucher avec ses lèvres, et but ensuite de grand cœur. Puis il cassa le verre pour que nul autre ne s’en pût servir, et emmena danser sa fiancée, tandis que je me pris à réfléchir sur la chose qu’il m’avait donnée à entendre et dont je me sentais tout je ne sais comment.

Je ne m’étais pourtant pas encore tâté de ce côté-là, et il ne m’avait jamais semblé que je fusse de nature assez ardente pour m’éprendre, à la légère, d’une fille aussi sérieuse que Thérence. Je m’étais sauvé du dépit de ne point plaire à Brulette, par mon humeur gaie et complaisante à la distraction ; mais je ne pouvais pas penser à Thérence sans une sorte de tremblement dans la moelle de mes os, comme si l’on m’eût invité à voyager en pleine mer, moi qui n’avais jamais mis le pied sur un bateau de rivage.

« Est-ce que, par hasard, pensais-je, j’en serais tombé amoureux aujourd’hui, sans le savoir ? Il faut le croire, puisque voilà Huriel qui m’y pousse, et dont l’œil aura saisi la vérité sur ma figure ; mais je n’en