Page:Sand - Les Maitres sonneurs.djvu/378

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d’une voix suffoquée ; voilà le jeu qu’on fait de moi, et la maîtrise d’amour qui m’a devancé !

Brulette, effrayée de la colère de Joseph et des cris de Charlot, voulut le lui reprendre ; mais, ne se connaissant plus, il le tirait à lui, riant d’une manière farouche, et disant qu’il le voulait regarder tout son soûl pour en trouver la ressemblance ; et, dans ce débat, il serrait l’enfant sans y songer et l’étouffait, au désespoir de Brulette, qui, n’osant pas ajouter, par sa défense, au risque qu’il y courait, se jeta vers Huriel en lui disant :

— Mon enfant ! mon enfant ! il me tue mon pauvre enfant !

Huriel n’y alla pas deux fois. Il empoigna Joseph par la nuque et le serra si vite et si fort, que ses bras raidis se desserrant, je pus recevoir Charlot dans les miens et le rapporter quasi pâmé à Brulette.

Joseph faillit pâmer aussi, autant de l’accès de rage qui lui était venu, que de la manière dont Huriel l’avait empoigné. Il s’en serait suivi une bataille, et le grand bûcheux se jetait déjà au milieu, si Joseph eût compris ce qui s’était passé ; mais il ne se rendait compte de rien, sinon que Brulette était mère et qu’il avait été trompé par elle et par nous.

— Vous ne vous en cachez donc plus ? lui dit-il avec des mots entrecoupés d’un reste d’étouffement.

— Qu’est-ce que vous prétendez donc me dire ? répliqua Brulette, qui était tout en larmes, assise sur le gazon, et adoucissant avec ses mains les meurtrissures que Charlot avait reçues aux bras. Vous êtes un fou très-méchant, voilà tout ce que je sais. Ne vous approchez plus de moi, et n’ayez jamais le malheur de brutaliser cet enfant, si vous ne voulez que Dieu vous maudisse !

— Un seul mot, Brulette ; dit Joseph, si vous êtes sa mère, confessez-le. Vous aurez ma pitié et mon pardon ; je vous soutiendrai même, au besoin ; mais