Page:Sand - Les Maitres sonneurs.djvu/385

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demander demain, nous te demanderons aujourd’hui. Allons, mon enfant, il t’y faut soumettre, et c’est le châtiment de ta mauvaise conduite dans le temps passé.

Le contentement s’épanouit enfin sur le visage de Brulette, et le mal que lui avait fait Joseph fut oublié. Cependant, quand nous quittâmes la table, il lui en vint encore un retintement. Charlot entendant Huriel appeler le grand bûcheux mon père, l’appela de même, et en fut d’autant mieux caressé ; mais Brulette s’en affligea encore un brin.

— Ne faudrait-il pas, dit-elle, se donner enfin la peine d’inventer une parenté à ce pauvre enfant ? car chaque fois, à présent, qu’il m’appellera sa mère, il me semblera qu’il fait souffrir ceux qui m’aiment.

On allait encore la rassurer sur ce point, lorsque Thérence dit :

— Parlez plus bas, nous sommes écoutés. Et, tournant tous, comme elle, nos yeux du côté du portail, nous vîmes le bout d’un bâton appuyé à terre et la renflure d’une besace pleine, qui dépassaient le mur et marquaient bien qu’un mendiant était là, attendant qu’on fît attention à lui, et pouvant entendre des choses qui ne le regardaient point.

Je m’avançai vers lui et reconnus le carme Nicolas, qui, tout aussitôt s’approchant, nous confessa, sans embarras, qu’il nous écoutait depuis un quart d’heure et y avait même pris beaucoup de plaisir.

— Il me semblait bien connaître la voix d’Huriel, dit-il ; mais, en faisant ma tournée, je m’attendais si peu à le trouver céans, mes chers amis, que je n’en aurais pas été certain, sans diverses choses qui se sont dites ici, et où Brulette sait bien que je ne suis pas de trop.

— Nous le savons aussi, dit Huriel.

— Vous ? fit le moine. Oui, cela doit être !

— Et cela est, parce que la tante m’a tout confié hier